« HF6 ou la chute du totem »
Texte écrit suite à la destruction du Haut-Fourneau, le H6, à Seraing, le 16.12.2016
Ils sont des centaines, peut-être plus, postés par petits groupes un peu partout dans la ville, entourant dans un immense cercle qui les unit, HF6, le grand totem métallique.
Cela discute à voix basse, comme dans un enterrement. A la manière d’anciens combattants, des ouvriers ont revêtu leur vieux bleu de travail élimé et coiffé leur casque pour rappeler qu’ils faisaient partie des initiés, qu’ils l’avaient côtoyé de très près, qu’ils lui avaient donné une partie de leur vie, de leur sueur, de leur fatigue, qu’ils avaient vécu les horaires abrutissants des feux continus avec cette douleur particulière de quitter avant l’aurore, par tous les temps, la douce chaleur du lit douillet mais aussi la traversée de ces nuits qui n’en finissaient pas. La fatigue, le bruit, les odeurs âcres, les poussières toxiques, les rudes coups de gueule de collègues abrutis par cet univers hostile , les accidents et la mort, sournoise, toujours en embuscade dans les gestes mille fois répétés des ouvriers.
Ils sont venus en famille pour se souvenir de ces générations qui ont vécu au HF6, grâce à HF6 et au travers de HF6. A l’époque où il offrait encore des tonnes d’acier et que sonnait l’heure de la retraite, on ne se posait pas de question, on prenait la place du père et ainsi de père en fils on plaçait sa vie dans le sillon des coulées couleur d’or.
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