Savez-vous qu’aujourd’hui ce sont presque 9 millions d’Américains de plus de 65 ans qui, pour survivre, sont obligés de travailler ?
Savez-vous que plusieurs dizaines de milliers de ces travailleurs âgés vivent comme des nomades, dans de vieux camping-car en piteux état, de vieux pick-up bricolés, d’anciens cars scolaires, se déplaçant au gré des jobs qu’ils peuvent encore trouver : cueilleur saisonnier, vendeur de hot-dogs et de bières dans des festivals, nettoyage mais aussi dans ce que l’on nomme la « nouvelle économie », chez Amazon.
Ces personnages très précarisés, on les appelle les « workampers ».
La journaliste américaine Jessica Bruder a mené une enquête qu’elle raconte dans un livre : « Nomadland ».
Elle évoque, notamment, les conditions de travail chez Amazon où, pour supporter la douleur qu’engendre un travail physiquement très éprouvant, on trouve encastrés dans les murs de l’entreprise des distributeurs gratuits d’antidouleurs.
« L’Amérique carbure à l’Ibuprofène ; c’est la drogue de la performance de la nouvelle économie », commente Parul Sehgal dans The New York Times.
Je vous propose deux articles qui évoquent ce livre :
– « Etats-Unis : le road trip des travailleurs séniors » du site Books
– « Travail nomade, pauvres jobs », paru dans Libé le 04.10.17 dont voici un court extrait : « Amazon est en effet le principal employeur de ces nomades, via son programme CamperForce. Jeff Bezos, président fondateur d’Amazon, a annoncé qu’en 2020 un travailleur nomade sur quatre travaillerait pour son entreprise, et c’est bien parti pour. Il y a donc à proximité des entrepôts Amazon de grands terrains où sont parqués les véhicules des employés CamperForce. L’avantage pour Amazon est d’avoir à disposition des travailleurs précaires, ultraflexibles, qui se déplacent d’un entrepôt à l’autre en fonction des besoins, et accessoirement trop nomades pour se syndicaliser. A plus de 10 dollars l’heure, les candidats ne manquent pas. »
Comment combattre ces pratiques ?
En refusant d’acheter chez Amazon, qui au passage détruit toutes nos librairies locales ?
Mais en boycottant cette industrie ne contribuons-nous pas alors à supprimer ce type de job, aussi pourris soient-ils, alors que des milliers de précarisés en on besoin pour survivre ?
Ne faut-il pas alors plutôt s’attaquer aux racines de ce mal, a ce système qui crée ces situations de désespoir, qui jette des seniors sur les routes ?
Combat donquichottesque ?
Sûrement.
Seul, que faire ?
Goutte d’eau misérable.
Mais ne rien dire, ne rien faire, c’est cautionner ce système, en être complice, le rendre encore et toujours possible.
Et même si, paradoxe ou signe d’une puissance incontournable, ce même livre est en vente sur le site d’Amazon, même si je mesure bien l’impuissance de mes propos, je choisis malgré tout d’écrire ce billet comme on jette une bouteille à la mer parce qu’Un Autre Monde est nécessaire.
Yves Alié / Un Autre Monde / 26.01.2018
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